Le cliché montre une forêt, entrelacs de branches et de feuillage gorgés de lumière, comme un corps qui s’éveille. Cette masse chlorophyllienne à la mémoire pluriséculaire, c’est celle captée par le photographe Julien Coquentin. Ici, sur les hauts plateaux de l’Aubrac et du Larzac, le photographe est parti sur les traces de celui qu’on croyait disparu depuis longtemps : le loup. « En 2019, des traces ont été découvertes et les attaques concomitantes sur des troupeaux laissaient peu de place au doute : l’animal était de retour, témoigne Julien Coquentin. J’ai voulu documenter ce retour et surtout, ce qu’il signifiait pour les gens qui vivent ici ».
À l’approche naturaliste initiale s’est très vite substituée une enquête ethnographique et sociologique : qu’est-ce que ce surgissement soudain et inattendu de la "bête" disait de la frontière entre la société pastorale de l’Aubrac et l’environnement qui l’entoure ? Quels effets sur la vie locale et les habitants de la région ? De 2019 à 2023, Julien Coquentin a ainsi parcouru ces lieux pour réaliser des clichés des paysages traversés par le loup et des portraits de celles et ceux qui composent, bon an mal an, avec ce retour.
Faire héritage
Accroché au centre Claude-Cahun, galerie associative dédiée à la photographie contemporaine, la série Oreille coupée côtoie un autre ensemble remarquable de photos, réalisés entre 2016 et 2019 : Saisons noires. Ici, il est question d’une archéologie de l’enfance de Julien Coquentin, parenthèse enchantée vécue dans la géographie accidentée et silencieuse de l’Aubrac.
Devenu photographe, celui qui fut infirmier durant près de 15 ans s’attarde sur les mains creusées d’une vieille dame, la brume qui épouse collines et ruisseaux, la peau diaphane d’un enfant à l’aube de sa vie ou l’abandon d’un chat dans son sommeil. Avec ce travail, Julien Coquentin explore les liens symboliques qui nous tiennent à notre terre natale.
Du dialogue entre ces deux séries est né l’ensemble Des saisons, où les grands formats numériques côtoient les photos carrées issues de tirages argentiques. « Quand on est infirmier, on met les mains dans le monde. Avec la photographie, on est spectateur du monde, conclut Julien Coquentin. C’est un pas de côté face à la vie qui palpite sous nos yeux. »
Exposition Des Saisons, de Julien Coquentin. À voir jusqu’au 27 avril. Centre Claude-Chahun, 45 rue de Richebourg à Nantes. Plus d'infos sur le site du centre Claude-Cahun.
À noter : rencontre - discussion avec Julien Coquentin et le poète-photographe Marc Blanchet (coorganisée avec la Maison de la Poésie), le 24 avril à 19h30.