Bâtir son lieu de vie à plusieurs pour partager des espaces et avoir plus de mètres carré, accéder à un logement abordable et tisser des liens d’entraide avec ses voisins ? Comme Mathilde Faussemagne, de nombreuses familles ont déjà tenté l’aventure sur la métropole nantaise. Avec son conjoint et ses deux enfants, cette enseignante a intégré l’un des derniers projets d’habitat participatif sorti de terre : l’îlot Coquelicot, dans l’écoquartier de la Jaguère à Rezé.
Maison commune, potager et buanderie partagés
16 foyers - « 43 habitants, 12 enfants, une poignée d’adolescents, huit chats et un chien » - vivent ici depuis l’été 2022. « Le dernier né à 6 mois, le plus âgé 67 ans, détaille Mathilde. C’est très mélangé : il y a des couples avec ou sans enfants, des familles recomposées, des retraités ou pré-retraités, des éducateurs, des professeurs, un menuisier, une couturière, une secrétaire un informaticien ou encore une comptable… » Chacun a son logement (de 50 à 100 m²) et tous partagent un grand jardin, une maison commune avec un dortoir de 16 couchages pour héberger les amis de passage, un préau rebaptisé « l’apréo », une buanderie, et un atelier pour réparer les vélos. Leur dernière réalisation collective ? Un potager où poussent tomates, verveine, courges et salades. « On vient gratter la terre quand on a le temps, sans la contrainte de l’entretien quotidien et le problème des départs en vacances pendant la période où on récolte », apprécie Cassiopée, l’une des voisines.
Bien plus que le bonjour/bonsoir
Un véritable « esprit village » règne au sein de l’Ilot Coquelicot. Et pourtant, aucun d’eux ne se connaissait avant le lancement du projet, à l’automne 2018. « On s’est découvert au fil des rencontres et, quand on a emménagé, les liens étaient déjà tissés », raconte Mathilde. Le projet - porté par le promoteur social Icéo sur un terrain public cédé par Loire Océan Développement, aménageur du quartier de la Jaguère, en lien avec Nantes Métropole et la Ville de Rezé - a mis quatre ans à se concrétiser. Ensemble, les habitants ont choisi leur architecte, l’implantation, la conception et les matériaux de leur logement, l’aménagement du jardin... Pour gérer le lieu, ils ont créé une association, échangent via une messagerie commune et se réunissent toutes les trois semaines, le soir ou le week-end, pour réfléchir aux usages de la salle commune, planifier les travaux ou organiser des événements : soirée courts-métrages, fêtes pour Halloween et à Noël, crémaillère… « Dans un immeuble en copropriété classique, il n’y a que la cage d’escalier pour se rencontrer. Dans l’habitat participatif, tout concourt aux échanges. C’est la formule idéale entre la colocation et l’appartement individuel, résume Mathilde. Je m’étonne chaque jour de tout ce qu’on partage. »
Les enfants semblent se connaître depuis toujours et on se dépanne naturellement. Dans une société de plus en plus individualiste, s’entraider entre voisins facilite le quotidien. Ça fait du bien !
Mathilde Faussemagne, habitante de l’Îlot Coquelicot, à Rezé
Ici, les grèves du périscolaire ne sont plus un casse-tête! « Il y a toujours quelqu’un pour garder les enfants des autres, sortir boire un verre ou aller au cinéma au pied levé. Ça crée un quotidien joyeux », savoure la jeune femme.
200 logements déjà réalisés
Plusieurs habitats participatifs comme l’Îlot Coquelicot ont fleuri sur le territoire métropolitain ces dernières années. 200 logements au total, dont une grande part de logements locatifs sociaux ou en accession abordable, ont été livrés ou s’apprêtent à voir le jour. Un effet direct de l’appel à projets lancé en 2016 par Nantes Métropole pour soutenir cette nouvelle façon d’habiter et l’ouvrir au plus grand nombre. « Avec 20 % de nouveaux projets chaque année, l’habitat participatif est en plein essor en France, observe Florence Rousselot à l’association l’Echohabitants, qui sensibilise et accompagne les habitants souhaitant se lancer. Ce type d’habitat n’est plus réservé aux militants de la première heure, des projets émergent jusque dans les quartiers populaires. » « La crise sanitaire a accéléré le mouvement, confirme Emmanuelle Novaro, à la direction de l’habitat de Nantes Métropole. Les citoyens sont de plus en plus nombreux à réinterroger leur cadre de vie. En milieu urbain dense, l’habitat participatif permet d’avoir plus d’espace grâce à la mutualisation, mais aussi de nouer facilement des liens avec ses voisins. » Pour accélérer la réalisation des projets, freinée par les difficultés d'accès au foncier, la Métropole a mis une vingtaine de terrains à disposition. Situés dans les zones d’aménagement publiques ou sur des fonciers appartenant aux communes, ces sites ont été proposés à des bailleurs sociaux, des coopératives, ou directement en autopromotion, avec un accompagnement humain et technique des habitants motivés.
Nouveaux terrains pour nouveaux projets
« Cette politique nantaise a eu un véritable effet levier », assure Florence Rousselot. Face au succès de la première opération, Nantes Métropole a donc décidé de lancer un nouvel « appel à manifestation d’intérêt » (AMI) pour l’habitat participatif. Chaque site fait l’objet d’une consultation sur la base d’un cahier des charges spécifique : intégration d’une part de locatif social et de logement abordable, recours à des matériaux biosourcés, économies d’énergie… « La plupart des communes de l’agglomération cherchent aujourd’hui des terrains pour répondre à la demande citoyenne, assure Pascal Pras, vice-président de Nantes Métropole en charge de l’habitat. Des fonciers sont déjà réservés dans les ZAC du Bas-Chantenay et de Doulon-Gohards. » Les Villes de Bouguenais et de La Chapelle-sur-Erdre ont également mis des sites à l'étude.
La multiplication des projets a de nombreux avantages, selon l’élu : « Dans un contexte de crise du logement et de foncier de plus en plus rare, l’habitat participatif facilite l’accès à des logements de qualité à prix abordable (ndlr, 2500 €/m² environ), dans une logique anti-spéculative et d’économie de surfaces, grâce à la mise en commun de certains espaces ». Autre intérêt : l’engagement des habitants dans la conception de leurs logements aboutit le plus souvent à des constructions innovantes, « qui évitent la standardisation et favorisent la cohésion sociale. »
Plusieurs projets cherchent leurs futurs habitants
Plusieurs opérations d’habitat participatif sont actuellement en chantier sur la métropole. Certains de ces projets recherchent encore des habitants intéressés pour rejoindre l’aventure.
Vous êtes intéressés ? Consultez la carte des projets en cours et contactez les collectifs concernés ou envoyez un mail à habitat.participatif@nantesmetropole.fr.