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Que deviennent les arbres qu’on doit abattre ?

Actualités- Mis à jour le 21 novembre 2024

À Nantes, 100 % des arbres malades, victimes des intempéries ou impactés par les chantiers, entament une seconde vie après leur abattage. Recyclé, leur bois sert à fabriquer du mobilier et des sculptures dont on profitera encore longtemps, ou du paillage pour les massifs. On vous explique !

Chaque année, sur les 150 000 arbres qui se trouvent dans les rues et parcs nantais, 100 à 150 doivent être abattus, parce qu’ils sont malades, impactés par des travaux, fragilisés ou tombés lors de tempêtes. © Patrick Garçon
Chaque année, sur les 150 000 arbres qui se trouvent dans les rues et parcs nantais, 100 à 150 doivent être abattus, parce qu’ils sont malades, impactés par des travaux, fragilisés ou tombés lors de tempêtes. © Patrick Garçon

Chaque année, sur les 150 000 arbres qui se trouvent dans les rues et les parcs nantais, 100 à 150 doivent être abattus. Parce qu’ils sont malades, impactés par des travaux (lire encadré), fragilisés ou tombés lors de tempêtes… Mais leur aventure ne s’arrête pas là, assure François Freytet, responsable du service Arbres et canopée à la direction Nature et jardins de la Ville de Nantes et Nantes Métropole : «  Depuis cinq ans, tous les arbres que nous entretenons sont revalorisés. » Selon sa qualité, leur bois est recyclé sous forme de bancs, de nichoirs, de transats et même d’œuvres d’art. « Les troncs de moindre qualité sont valorisés en bois déchiqueté pour le paillage des massifs ou la fabrication de compost », précise-t-il.

Du bois recyclé « made in Nantes »

Cette démarche n’est pas nouvelle. « Cela fait quinze ans que nous réutilisons le bois des arbres qu’on a dû abattre, assure Christophe Jarnoux à la tête de l’équipe des cinq menuisiers municipaux. Depuis 2020, nous avons mis en place une véritable filière de valorisation. Pour assurer la traçabilité, les élagueurs marquent chaque tronc (essence, date, lieu et cause l’abattage). Après sélection, ceux d’une circonférence suffisante sont stockés au Grand-Blottereau où ils sont sciés et mis au séchage avant d’être réutilisés en bois d’œuvre. » Une scierie mobile vient une fois par an, en novembre, pour débiter les grumes en planches. « Rien ne se perd, indique-t-il. Les branchages sont broyés pour faire des copeaux qui protègent les parterres. On garde même la première croûte du tronc pour réaliser par exemple le bardage des cabanes des moutons » (qui entretiennent les espaces verts nantais en éco-pâturage, ndlr).

Pour assurer la traçabilité, les élagueurs marquent chaque tronc : essence, date, lieu et cause l’abattage.  © Rodolphe Delaroque
Pour assurer la traçabilité, les élagueurs marquent chaque tronc : essence, date, lieu et cause l’abattage. © Rodolphe Delaroque

Une seconde vie utile aux habitants

Un hangar de 300 m² a été construit spécialement en 2024 au Grand-Blottereau pour ranger le bois prêt à l’usage, par essences. « C’est une sorte de grand magasin, où nos menuisiers, des prestataires extérieurs et des associations partenaires (MONsTR, Atao, etc.) s’approvisionnent. » Selon leur densité, la courbure ou leur résistance, les planches en bois massif deviendront du mobilier urbain : bancs, transats et tables, jeux-sculptures pour les parcs et jardins ou les cours d’écoles et de crèches, bordures et nichoirs… Depuis peu, les poules de la ferme de la Chantrerie dorment par exemple dans un poulailler réalisé en cèdre 100 % nantais ! « Les essences trop fragiles pour un usage extérieur servent à fabriquer des menuiseries intérieures, poursuit Christophe Jarnoux. Avec le noyer ou le cerisier, on réalise des étagères pour les vestiaires des jardiniers, des tablettes pour ranger les tronçonneuses des élagueurs… » C’est intéressant et valorisant, apprécie-t-il : « Les arbres dont nos collègues jardiniers ont pris soin pendant des dizaines d’années ont, grâce à nous, une seconde vie dont profitent les Nantaises et les Nantais 18 à 24 mois après l’abattage de l’arbre. »

En fin de vie, après 10 à 15 ans d’utilisation, ce mobilier « made in Nantes » sera démonté, trié et à nouveau réutilisé en bois d’oeuvre, ou en paillage. La boucle est bouclée ! L’intérêt de cette « économie circulaire » est aussi économique. « On n’achète aucun bois, on ne paye que le sciage. Une bille de chêne nous revient à 120 euros maximum, contre plus de 500 € dans le commerce. »

Le saviez-vous ?

Du haut de ses 12 mètres et fort de ses 48 tonnes, le Grand Éléphant de Nantes est composé d’un squelette métallique, de bois, d’acier et recouvert d’une peau en tulipier de Virginie. Vues les quantités nécessaires (sa peau représente une surface de 600 mètres carrés !), le bois ne provient pas des tulipiers nantais. Il a été importé.

5 créations en bois 100 % local

La statue de « L’homme de bois », œuvre permanente du Voyage à Nantes au Jardin des plantes. © Romain Boulanger
La statue de « L’homme de bois », œuvre permanente du Voyage à Nantes au Jardin des plantes. © Romain Boulanger

1. La statue de « L’homme de bois » au Jardin des plantes

Ce personnage colossal de 6,09 m de haut, qui trône depuis juillet 2024 au Jardin des plantes, a été conçu par Fabrice Hyber, artiste formé aux Beaux-arts de Nantes, à partir de bois récolté exclusivement dans les parcs et jardins de la Cité des ducs. L’artiste a utilisé au total 13 billes de bois 100 % local, découpées en planches de 65 mm d’épaisseur. « Elles proviennent d’arbres tombés pendant la tempête Ciaran de novembre 2023 ou abattus pour raisons sanitaires, explique Romaric Perrocheau, directeur de Nature et jardins. La sculpture contient notamment des morceaux d’un cèdre de l’Atlas du parc de Procé. Mais aussi d’autres essences : un chêne des marais de l’école des Batignolles, un chêne rouge d’Amérique du Bois-Briant, un poirier d’une crèche de Saint-Joseph-de-Porterie, dont le tronc fissuré menaçait de rompre, ou encore un liquidambar de la rue Jean-Poulain, victime d’une maladie sur les racines. » Seule la structure en métal qui maintient le tout n’est pas nantaise.

Les bancs massifs du Jardin extraordinaire.  © Rodolphe Delaroque
Les bancs massifs du Jardin extraordinaire. © Rodolphe Delaroque

2. Les bancs massifs du Jardin extraordinaire

Le chêne à gros fruits (Quercus macrocarpa, de son nom scientifique) qui trônait jadis à l’entrée du Jardin des plantes a rejoint, à la fin de sa vie, le dernier né des parcs nantais. « Cet énorme arbre bicentenaire a été déchiré en deux par une tempête quelques mois avant l’ouverture du Jardin extraordinaire, en 2019 », raconte Romaric Perrocheau. L’occasion était trop belle ! « Les élagueurs de la Ville ont récupéré son tronc et les menuisiers ont façonné ces bancs massifs. »

Les bancs du square Halgan, près de l'hôte de ville de Nantes. © Romain Boulanger
Les bancs du square Halgan, près de l'hôte de ville de Nantes. © Romain Boulanger

3 & 4. Les bancs du square Halgan et des jardins de la mairie

Dans le petit square Halgan, entièrement réaménagé en 2019 face à l’hôtel de ville, les trois tables et onze bancs ont été entièrement réalisés à partir de bois nantais : des chênes pédonculés, tombés lors de tempêtes. Idem dans les jardins de la mairie. Les immenses tables-bancs, où les agents et les promeneurs aiment s’attabler, sont une œuvre des menuisiers municipaux, à partir du réemploi de bois local.

Les tablées monumentales des jardins de l’hôtel-de-ville. © Stephan Ménoret
Les tablées monumentales des jardins de l’hôtel-de-ville. © Stephan Ménoret

5. Les jeux-sculptures du Quai des pins

60 arbres, 240 arbustes, 1300 vivaces… Le long du canal Saint-Félix, le paysage s’est enrichi au printemps 2024 de nouveaux espaces végétalisés aux allures de pinède. Ce Quai des pins est peuplé de drôles de poissons en bois massif. Inspirées des espèces de Loire - anguille, sandre, alose, etc. - ces œuvres ont été sculptées par le collectif MONsTR dans du bois nantais fourni par la menuiserie municipale. « C’est un matériau qui va se dégrader avec le temps et potentiellement être occupé par d’autres vivants », expliquent ces artistes nantais, à qui l’on doit également Les Endormis, une installation de plusieurs sculptures-jeux en bois local réalisée pour les tout-petits de la crèche nature de Saint-Joseph-de-Porterie.

Les sculptures-poissons du Quai des pins, le long du canal Saint-Félix. © Rodolphe Delaroque
Les sculptures-poissons du Quai des pins, le long du canal Saint-Félix. © Rodolphe Delaroque

Que deviendront les arbres du boulevard Léon-Bureau ?

L’aménagement des futures lignes 6 et 7 de tramway nécessite l’abattage, du 25 novembre au 6 décembre 2024, d’une cinquantaine d’arbres situés au débouché du pont Anne-de-Bretagne. Les plus gros, au sud du boulevard Léon-Bureau, seront transformés en planches qui serviront à fabriquer du mobilier pour les parcs de Nantes. Les séquoias, dont l’écorce fibreuses permet de fixer facilement sur les troncs des plantes épiphytes, rejoindront les serres tropicales du Jardin des plantes. Les branches seront quant à elles broyées pour alimenter des chaufferies sur le territoire de la métropole ou à proximité.

Vers une filière de valorisation du bois local, en circuit court

Le bois, ressource naturelle renouvelable depuis des millénaires, a peu à peu perdu de sa superbe. « Supplanté par l’avènement du plastique, il est devenu passéiste », regrette François Freytet, responsable su service Arbres et canopée à la Ville de Nantes et Nantes Métropole. Conscientes de ses nombreuses vertus, les deux collectivités s’efforcent depuis plusieurs années de le remettre au goût du jour. La filière de valorisation du bois local, en place à Nantes depuis 2020, est en réflexion à l’échelle de la métropole. « Un appel à projet à été lancé auprès des communes. Orvault, Carquefou, Vertou et Bouguenais ont déjà répondu présentes pour mettre à disposition des parcelles permettant de stocker les grumes de bois des arbres morts, tombés lors d’une tempête, malades ou abattus parce qu’ils devenaient dangereux. » L’idée : récupérer ce bois brut, le faire sécher et le scier en planches qui serviront pour la construction ou l’ameublement, plutôt que de le brûler ou de le jeter. « Le bois, s’il est utilisé en circuit court, est une alternative nettement plus durable que le béton ou le plastique, souligne François Freytet. Nous devons redécouvrir l’intérêt d’une gestion raisonnée du patrimoine arborée. Coupé un arbre s’inscrit dans un processus naturel, nécessaire à la régénération des boisements, des forêts et du bocage. »